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Africa Ghetto Revelation

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Musique malienne: Habib Koité et la partition cachée

Publié par SAIDICUS LEBERGER sur 25 Février 2014, 13:12pm

Musique malienne: Habib Koité et la partition cachée

Soô, nouvel album du chanteur malien

Que ce soit sous son nom, en duo avec le bluesman américain Eric Bibb ou avec des projets tels qu’Acoustic Africa, Habib Koité est sans conteste le chanteur malien qui se produit le plus en dehors des frontières de son pays, comme le rappelle les quelque 700 concerts donnés au cours de la dernière décennie. Une activité intense que le musicien compte bien entretenir avec Soô, son nouvel album.

RFI Musique : Les troubles que le Mali a connus en 2012 ont beaucoup marqué vos compatriotes chanteurs dans leurs projets respectifs. Est-ce également le cas de Soô, votre nouvel album ?

Habib Koité : Quand c'est arrivé, tout le monde était surpris. Et on s’est réveillé petit à petit : les musiciens ont chanté la paix, la tolérance ; les religieux ont parlé, demandé pardon au bon dieu ; les politiciens ont suivi aussi. Mais il ne fallait pas se précipiter : ça a été mon attitude. Quand Fatoumata Diawara est venue à Bamako pour proposer de faire une chanson, avec des paroles douces, tout le monde a accepté : on était plus de quarante, de toutes les régions. A ce moment-là, j'étais beaucoup en tournée avec Eric Bibb, mais quand j'ai fait mon album, j’ai pensé à des morceaux pour ma patrie. Si je fouille dedans, il y a au moins deux chansons qui parlent de la conscience malienne, Soô et aussi Drapeau.

L’essentiel de l’album précédent avait été fait sur la route. Qu’en a-t-il été pour celui-ci ?

Soô Habib Koité
Ecouter

Tout a été enregistré dans le home studio de mon fils, à la maison. Il y avait du riz pour les longues journées d’enregistrement. Quelqu’un pour préparer le thé qu’on boit à tout moment, parce qu’un musicien peut avoir un coup de barre ou attendre qu’on ait besoin de lui, et dormir dans le hamac là-bas – mais pas dans une chambre avec un beau lit, non, non ! Voilà l’ambiance dans laquelle ça s’est passé. J’avais plein de brouillons, à gauche et à droite, écrits, enregistrés dans mon i-Phone, une partition de guitare dans un coin de ma tête, que j’ai déjà jouée en passant... Quand j’ai décidé de mettre tout ça ensemble pour faire un album, j’ai demandé à ne pas faire de tournée, d’allers-retours pour rester concentré. D’autant qu’à Bamako, nous avons un code social qui nous prend beaucoup de temps, en plus de notre propre activité professionnelle. A plus forte raison pour une personne connue comme moi.

Comment êtes vous parvenu, dans ces conditions, à faire comprendre que vous vouliez être tranquille ?

Ce n’est même pas la peine de le dire, il faut essayer de le faire. En cachette, en mentant... Tu ne peux pas dire que tu veux être tranquille. Pour qui tu te prends ? Pour quoi faire ? C’est une toute autre mentalité. Quand les gens viennent chez moi, je fais dire que je dors. Comme je vis à l’étage, je peux tout y faire et on ne me verra apparaître que quand je le veux, vers midi ou 13 heures. Mais maintenant il y en a qui s’asseyent et attendent au lieu de partir ! Donc le matin, je quitte chez moi. Je dis à mes proches que j’ai besoin d’être seul. Je passe la journée aux champs – j’ai un champ. Je prends mon i-Pad, ma guitare, une batterie chargée parce qu’il n’y a pas d’électricité là-bas, et je reviens vers 20 heures.

Pourquoi avoir décidé de le faire dans cet environnement ?

Mes producteurs ont dit qu’il faut changer de comportement parce que le disque ne se vend plus, que l’industrie de la musique s’est cassé la gueule… Je le savais déjà, je l’ai vu. La crise, l’argent qui ne vient plus... Donc il faut faire un album moins cher. L’album moins cher, c’est celui qui se fera sur place. Les musiciens ne dormiront pas à l’hôtel, l’ingénieur du son ne sera pas un Français que tu feras venir à Bamako pour le mettre à l’hôtel le soir et le payer ce qu’il mérite. On ne l’a pas encore vendu mais on pense qu’on pourra vite amortir inch allah les dépenses.

A LIRE AUSSI

Habib Koité, malien tout terrain (19/09/2007)
Habib Koité autour du monde (19/03/2004)

Au-delà de la raison économique, étiez-vous à l’aise avec ce mode de travail ?
J’étais super bien ! Tout organiser représentait beaucoup de travail, mais c’était la règle du jeu. Une fois entré dans le système, la fatigue et les petites complications sont devenues mineures pour moi. D’abord, je répétais deux jours dans mon champ, et puis je donnais rendez-vous aux musiciens pour les répétitions. Quand le résultat commençait à être propre, je prenais encore deux jours pour retravailler tout seul ce qu’on avait trouvé. Dès que deux morceaux étaient prêts, on partait en enregistrement. Deux journées, de 9h à 20h. On a avancé comme ça, par segment. Après j’écoute ce qu’on a fait, parce que je peux encore apporter des changements. Il y a toujours une meilleure idée qui est cachée derrière une partition de guitare. Je la cherche, sans savoir où elle est, et je finis par la trouver. Ça peut être un petit détail de doigté.

Pourquoi avoir eu recours à de nouveaux musiciens pour ce projet ?

Je voulais changer le son. Avoir un nouveau souffle. Me renouveler. La grande controverse, c’est qu’on pense que c’est encore meilleur quand ça dure. Mais souvent aussi ça pourrit. Avec mon groupe Bamada, on est ensemble de 1986 à aujourd’hui. On a fait le tour du monde 100 fois en 25 ans. Je leur ai dit que je voulais créer un deuxième groupe, avec lequel j’allais faire l’album et qu’ils pourraient y participer si besoin.

Sur scène, vous prenez plaisir à raconter des histoires liées aux chansons – sans qu'on devine forcément au départ où vous voulez en venir. Est-ce une façon de partager votre univers ?

Souvent, le mot clé, je ne le prononce qu'à la fin de mon intervention. Je dois faire une petite gymnastique pour dire d'autres mots d'abord et surprendre à la fin le public qui va faire un petit sourire avant que j'attaque la musique. Ça vient agrémenter le concert. Comme ceux qui me connaissent savent que je peux raconter des histoires, on m'a déjà invité spécialement pour le faire dans un festival du livre, à Aspen dans le Colorado, où il y avait beaucoup d'écrivains d'Afrique anglophone. J’étais le seul francophone et le seul musicien, avec ma guitare. Ça m'a beaucoup plu.

Habib Koité, Soô (Contre-Jour / Socadic) 2014
En concert au Cabaret Sauvage à Paris le 16 ma
rs

Page facebook d'Habib Koité

Par Bertrand Lavaine

RFI

Drapeau

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